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Economie

Emmanuel Faber, PDG de Danone : "La crise nous a fait perdre environ un milliard d'euros en ventes"

INTERVIEW - Le groupe français Danone, recentré sur les eaux minérales, la nourriture infantile et les produits "sains", a souffert des conséquences de la pandémie. Au point de voir sa gestion remise en cause. 

Bruna Basini, Marie-Pierre Gröndahl , Mis à jour le
Emmanuel Faber, mardi, au nouveau siège de l'entreprise à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).
Emmanuel Faber, mardi, au nouveau siège de l'entreprise à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). © Vincent Isore/IP3/Maxppp

La pratique du "en même temps" en économie est un art difficile. En voulant faire du profit à l'ancienne et en même temps sauver la planète en tant que dirigeant d'une "entreprise à mission", le PDG de Danone, Emmanuel Faber, entré dans le groupe en 1997 et à sa tête depuis 2014, s'est-il placé sur un siège éjectable? Critiqué par les investisseurs, qui déplorent la chute du cours de Bourse du groupe de près de 25 % en un an, prié de revoir sa gouvernance et de tirer sa révérence par le fonds activiste Bluebell Capital et lâché par Franck Riboud, président d'honneur du groupe, Emmanuel Faber défend son bilan et revient sur son plan de réorganisation "Local First" dans le JDD.

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Votre stratégie pour Danone s'articule autour de la santé. Est-elle remise en cause par les turbulences actuelles?
Pas du tout. Le cœur de la mission de Danone consiste à aider les consommateurs à adopter des pratiques alimentaires plus durables et plus saines. La crise sanitaire mondiale a confirmé la pertinence de l'axe de la santé et du local. À notre échelle, ­Actimel a vu ses ventes augmenter de plus de 10% en 2020, avec des gains de parts de marché.
Notre marque Alpro, qui propose une gamme 100% végétale à base de soja, cette plante magique, occupe la première place dans son segment en Europe, avec une croissance de près de 20% au ­second semestre de l'an dernier. Nous sommes également numéro un sur le secteur du bio aux États-Unis . Nous capitalisons sur le positionnement de la "santé gourmande" avec succès.

Comment expliquez-vous les mauvaises performances enregistrées en 2020, avec notamment une baisse du chiffre d'affaires de 9,3% au troisième trimestre?
Essentiellement par les conséquences de la pandémie. ­L'ensemble du secteur des cafés, hôtels et restaurants connaît un énorme trou d'air depuis près d'un an, notamment à la suite des confinements simultanés et successifs décidés un peu partout sur la planète. Nos ventes d'eau minérale en ont logiquement subi le contrecoup.

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Danone a subi un choc d'une violence inouïe

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À ­Djakarta, qui a connu quatre périodes de confinement, les ventes d'eau hors domicile ont brutalement diminué de 60 à 70% chaque fois, quand celles pour la consommation à domicile n'augmentaient que de 15%. À l'inverse, la consommation repart dès que les confinements s'arrêtent. Danone est le deuxième groupe mondial d'eau en bouteilles : notre marge a été divisée par deux. Les ventes de cette division ont diminué de 19,3% au troisième trimestre. Au total, la crise nous a fait perdre environ un milliard d'euros en ventes. C'est un choc d'une violence inouïe.

En dehors de l'eau, quels autres secteurs ont souffert?
Nous sommes co-leaders mondiaux avec Nestlé dans le domaine des produits alimentaires infantiles. Or la baisse très importante des naissances enregistrée en Chine ainsi qu'aux États-Unis, où la chute atteint 10 à 12%, et en Europe , a eu un effet majeur sur les ventes. À elle seule, la Chine représente la moitié du marché mondial de l'alimentation infantile en valeur. La crise sanitaire n'encourage pas les projets d'avenir, d'où son influence sur la démographie. Tous ces facteurs affectent le modèle de Danone à court terme.
Il nous fallait réagir: voilà pourquoi j'ai présenté il y a trois mois notre plan "Local First". Plus de 90% des produits sont consommés dans les pays où ils sont conçus. Notre structure était trop lourde pour réagir vite. Les patrons de pays auront dorénavant davantage d'autonomie et pourront prendre des décisions directement, sans attendre des validations du siège. Nous avons également engagé une revue stratégique, en analysant les atouts de notre présence en Argentine et en évaluant le potentiel de la marque de protéines végétales Vega.

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En France, 400 postes seront supprimés chez Danone

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Combien de postes seront supprimés?
Environ 1.500 à 2.000 mondialement, pour un effectif total de 100.000 salariés. En France, 400 postes seront concernés, mais tous les départs seront accompagnés.

Vos grands concurrents, dont Unilever et Nestlé, semblent avoir mieux résisté à la crise sanitaire. Pourquoi?
Nous n'avons pas des portefeuilles de produits identiques. Le café, entre autres, n'a pas connu de baisse de consommation, au contraire. De même que l'alimentation animale. Au contraire, les adoptions d'animaux domestiques ont beaucoup augmenté en un an, notamment aux États-Unis. D'autre part, Danone est une entreprise plus récente, dont les investissements sont très importants mondialement. Nous assumons d'avoir des niveaux de marges inférieurs face à ceux des très grands groupes du secteur alimentaire, même si notre marge a augmenté très significativement entre 2014 et 2019.

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Je ne pense vraiment pas que notre modèle soit remis en cause

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Quand nous investissons dans le plastique recyclable, le montant des sommes engagées est très important. Danone est une entreprise à mission, avec ce que cela comporte d'efforts pour parvenir à tenir nos objectifs en la matière. Ce choix a été approuvé à 99% par nos actionnaires en juin 2020. Je ne pense vraiment pas que notre modèle soit remis en cause. À moyen terme, nous voulons renouer avec une croissance de 3 à 5% du chiffre d'affaires et gérer l'écart avec nos concurrents en compétitivité.

On vous reproche d'avoir payé trop cher le géant du bio WhiteWave il y a quatre ans?
Je n'ai aucun regret. Grâce à cette acquisition, nous avons mis les deux pieds dans le futur de l'alimentation.

Que répondez-vous aux actionnaires du groupe qui demandent un changement de gouvernance et s'interrogent sur le départ de votre directrice financière Cécile Cabanis?
La dissociation des fonctions de président et de directeur général fait l'objet de débats multiples depuis des années. C'est un serpent de mer. Avec des traditions différentes selon les pays et les cultures d'entreprise. Est-elle indispensable? En tout cas, je n'ai pas de position dogmatique sur ce sujet. Cécile a pris une décision personnelle, mais, en tant que vice-présidente du conseil d'administration, elle fait partie des gens qui comptent chez nous.

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