Trois questions pour comprendre la dérogation d'étiquetage obtenue par les industriels voulant substituer l’huile de tournesol
La pénurie d'huile de tournesol pousse certains industriels de l'agroalimentaire à revoir leurs recettes. En réaction, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a décidé d'assouplir les règles d'étiquetage des produits alimentaires.
Le sujet était sur la table depuis plusieurs semaines entre les industriels, les associations de consommateurs et les pouvoirs publics. Face aux difficultés d'approvisionnement en huile de tournesol, les industriels demandaient que soit assouplie la réglementation sur l'étiquetage des produits alimentaires. Après plusieurs semaines de discussion, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGGCRF) les a entendus. L'Usine Nouvelle analyse l'impact de cette décision.
Pourquoi une dérogation?
L'Ukraine est le principal pays exportateur d'huile de tournesol. A lui seul, le pays représente 50% du commerce mondial. Depuis le début du conflit, les exportations de matières premières agricoles sont bloquées dans les ports de la mer Noire. Résultat : les industriels qui utilisent l'huile de tournesol aussi bien dans leurs recettes que pour certaines de leurs procédés de cuisson ont de plus en plus de difficultés à s'approvisionner. Dans le même temps, nombreux sont ceux à avoir fait le choix de modifier leurs recettes en troquant, par exemple, l'huile de tournesol par de l'huile de colza.
Problème : comme l'indique le règlement européenne n°1169/2011, les industriels ont l'obligation d'indiquer la liste des ingrédients « par ordre d'importance pondérale décroissante (y compris les additifs et les arômes) ». Les ingrédients allergènes doivent être, quant à eux, bien mentionnés. Si le changement de recette peut être effectué assez rapidement, comme l'expliquent plusieurs acteurs du secteur, le changement d'étiquette est beaucoup plus long. Il peut s'écouler entre deux et trois mois entre la commande d'un nouvel étiquetage et son arrivée dans les usines. De quoi expliquer la demande des fédérations d'industriels de l'agroalimentaire de mettre en place une dérogation concernant cette obligation d'étiquetage.
Que contient cette dérogation?
Depuis, la DGGCRF a tranché. Elle autorise les industriels à modifier leurs recettes sans modifier l'étiquette. Les industriels devront toutefois faire une demande de dérogation à la DGCCRF. Les produits dont la recette a été modifiée seront répertoriés sur le site de l'institution. La dérogation prévoit également que, dans un délai de deux mois à compter du 26 avril, les industriels apposent un sticker « Derog » sur les recettes modifiées.
Si la substitution implique un risque allergique ou qu'elle rend caduques les mentions du type « sans OGM », « bio » ou « sans huile de palme », l'indication du changement de recette devra être faite immédiatement. Selon le ministère de l'Économie, plusieurs centaines, voire des milliers de recettes, pourraient être concernées. Le ministère liste ainsi les produits frits, les pâtes à tarte, la margarine, les sauces et les conserves. La dérogation est valable pour une période de six mois.
Quelles sont les réactions à cette mesure?
Du côté des industriels, la réponse de la DGCCRF est saluée. Si certains craignent que le délai de deux mois pour indiquer la mention « Derog » sur les produits ne soit un peu court, la plupart estime que le texte répond à leurs demandes. En face, les associations de consommateurs soulignent, à l'image de Foodwatch, « l'effort de transparence » tout en déplorant le « casse-tête de l’accès à l’information pour les consommateurs ». « Ce sera au mieux via des stickers apposés sur les emballages - mais pas toujours - ou via un QR code dans les magasins renvoyant vers le site internet de la Répression des fraudes » regrette l'association dans un communiqué.