Grèce. Gianna Papadakou : « Mitsotakis fait du journalisme un crime »

Le premier ministre de droite lance la justice aux trousses de deux journalistes à l’origine de révélations explosives. Accusée d’appartenir à un « gang criminel », Gianna Papadakou refuse de se laisser intimider.

Gianna Papadakou Journaliste grecque

Dans la presse écrite et dans son émission sur la chaîne de télé Alpha, Gianna Papadakou a contribué à la révélation de nombreux scandales politico-financiers. Figure connue et respectée du journalisme d’investigation en Grèce, elle est aujourd’hui la cible de poursuites judiciaires diligentées par le gouvernement de droite.

Quelles sont les charges retenues contre vous ?

Je suis accusée d’être membre d’une organisation criminelle, d’avoir participé à une tentative d’extorsion et de corruption, d’être complice d’une conspiration avec Dimitris Papangelopoulos, ex-ministre dans le gouvernement d’Alexis Tsipras. En réalité, ces accusations tiennent exclusivement à mes révélations sur la liste Lagarde, qui comportait les noms de citoyens grecs très riches soupçonnés de pratiquer l’évasion fiscale à grande échelle. Cela ne concernait pas que la Grèce : de très nombreux États ont reçu cette liste et, dans l’écrasante majorité, ils ont ­décidé de l’utiliser pour aller récupérer l’argent. Ici, en Grèce, le gouvernement de droite n’a jamais été cherché cet argent, et il en a saisi vraiment très peu…

Cela concerne aussi une affaire de corruption impliquant Novartis, non ?

Une affaire de pots-de-vin, il y a une dizaine d’années… Aux États-Unis, la multinationale pharmaceutique s’est acquittée d’une amende de 346 millions de dollars (302,5 millions ­d’euros) sur ces délits commis en Grèce. Mais Athènes, elle, n’a rien demandé à Novartis, alors que c’est chez nous que le système de corruption a été mis en place.

Que cherche le gouvernement ?

Vendredi dernier, je devais être entendue par le procureur de la Cour spéciale. L’audience a été reportée. En réalité, on veut que je demande pardon, que je présente des excuses. Mais je ne retirerai pas un mot de ce que j’ai révélé­. Il y a quelques jours, à l’occasion d’un débat au Parlement, Kyriakos Mitsotakis, le premier ministre de droite grec, nous a désignés, Kostas Vaxevanis, l’autre journaliste qui est aujourd’hui pour­suivi, et moi, comme des « membres d’un gang et d’une ­organisation criminelle ­souterraine ». C’est incroyable quand même !

La liberté de la presse est-elle en danger en Grèce ?

Oui, et ce n’est pas que mon opinion. J’ai le soutien des syndicats de journalistes et de Reporters sans frontières. La délégation de Syriza au Parlement européen a interrogé la Commission par deux fois en quelques semaines. Même Georgios Kyrtsos, un eurodéputé membre de la Nouvelle Démocratie, le parti de Mitsotakis, trouve inadmissibles ces poursuites. Pour ce gouvernement, le journalisme est un crime en Grèce. Cela commence à provoquer une indignation générale. 

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