Sultana Khaya : « Malgré les persécutions, les femmes sahraouies n’ont pas cessé de réclamer la liberté et l’indépendance »

18/02/2022 |

Par Capire

En cette journée de la femme sahraouie, Sultana Khaya dénonce les persécutions qu'elle a subies de l'occupation marocaine au Sahara occidental

Aujourd’hui encore, la vie des femmes et des hommes vivant au Sahara occidental est traversée par le colonialisme. De 1884 à 1975, le territoire était considéré comme une colonie de l’État espagnol. En 1975, après le retrait d’Espagne, le Sahara occidental a été occupé par le Maroc, et aujourd’hui il est la dernière colonie du continent africain. Depuis des décennies, le peuple sahraoui revendique son autodétermination et sa souveraineté sur son territoire, sa culture, sa production et ses modes de vie.

L’occupation marocaine au Sahara occidental a des conséquences graves et quotidiennes : violations des droits humains, persécutions politiques, violences, contrôle territorial militaire. Face à cette réalité, les femmes jouent un rôle clé dans la résistance au sein des communautés. En 1991, un accord de cessez-le-feu a été établi entre l’État marocain et le Front Polisario [Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro], et en novembre 2020, il a été rompu par l’armée marocaine, qui a envahi le territoire saharien pour réprimer les manifestants. 

Depuis lors, la rupture de l’accord de cessez-le-feu a généré encore plus de conflits et d’insécurité pour le peuple sahraoui, qui résiste malgré les multiples violences coloniales. L’activiste Sultana Khaya est l’une des cibles des persécutions politiques. Sultana a été violée brutalement plus d’une fois par les autorités marocaines, qui ont établi un siège permanent sur sa maison et l’empêchent, elle et sa famille, de se déplacer librement.

En ce 18 février, Journée de la femme sahraouie, nous publions une interview spéciale de Sultana Khaya pour Capire. La militante raconte son histoire de résistance, dénonce les violences subies et appelle à la solidarité féministe internationale pour la liberté de son peuple. Nous voulons que cette interview soit un autre outil pour renforcer la campagne pour l’autodétermination des Sahraouis et pour la liberté et la sécurité de Sultana Khaya et de toutes les femmes du Sahara occidental.

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Chez Capire, nous sommes attentives et suivons ta situation avec solidarité, à travers les informations envoyées par nos compatriotes sahraouies de la Marche Mondiale des Femmes. Pourrions-nous commencer l’entretien en présentant ton parcours de vie et de lutte ?

Tout d’abord, je tiens à remercier Capire et la Marche Mondiale des Femmes pour cette opportunité. À travers vous, je remercie toutes les consciences vivantes du monde.

J’ai commencé le combat comme n’importe quelle personne Sahraouie vivant sous occupation, dans un climat dominé par la répression et les crimes contre l’humanité. Je me suis impliquée dans la résistance pacifique sahraouie quand j’étais enfant et j’étais à l’école.

Pendant ma lutte, j’ai été victime de persécutions, d’intimidations et de tortures. Je me souviens de 2007, lorsque les forces d’occupation du Maroc m’ont fait perdre l’œil droit alors que je participais à une manifestation pacifique d’étudiants à l’Université de Marrakech. C’était une chose terrible.

Maintenant, depuis le 19 novembre 2020, moi, ma mère et ma sœur vivons en état de siège, avec mon assignation à résidence, qui s’accompagne de violences, de tortures et de viols, avec ma sœur et ma mère. Tout cela sous un terrible silence de l’ONU.

Depuis ce moment en 2020, les attaques et la violence des autorités marocaines contre toi ont-elles augmenté ? Comment cette violence a-t-elle eu un impact sur ta vie et celle des personnes qui t’entourent ? Et que représente cette violation systématique des droits humains pour le peuple sahraoui ?

En novembre 2020, j’ai été victime de violences de la part des forces d’occupation marocaines peu après mon retour d’Espagne. Les attaques se poursuivent depuis et se sont multipliées et les membres de ma famille et toutes les personnes qui ont essayé de me rendre visite ou de me manifester leur solidarité n’ont pas échappé.

En janvier 2021, j’ai failli perdre mon œil gauche, touché par une pierre lancée par une déléguée marocaine. Après cela, la maison de ma famille a été cambriolée à plusieurs reprises. Les murs ont été souillés de produits nauséabonds, une partie de nos biens a été volée et le reste a été détruit. Ces vols se sont produits très tard dans la nuit, avec violence et torture. Ma mère, qui avait 84 ans, n’a pas été épargnée. Ma sœur et moi avons été violées à plusieurs reprises.

Ces pratiques honteuses de l’État d’occupation marocain continuent à ce jour et constituent une politique systématique contre le peuple Sahraoui dans les territoires occupés du Sahara occidental, et en présence de la mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental, la MINURSO. Cela représente clairement les violations continues des droits du peuple Sahraoui, avec la complicité de la communauté internationale.

Quelle est la relation entre le colonialisme et le patriarcat au Sahara occidental ? Comment cela se matérialise-t-il dans la persécution qui se produit contre toi ?

La relation entre l’occupation et le patriarcat se manifeste dans la continuité des opérations militaires et dans les violations des libertés, en particulier contre les femmes Sahraouies. Personnellement, moi, ma mère et ma sœur vivons avec cette persécution quotidienne des hommes qui représentent la machine répressive de l’État d’occupation marocain.

Et quel est le rôle des femmes dans la résistance contre cette relation entre colonialisme et patriarcat et dans la construction de l’autodétermination populaire ?

Malgré cette persécution et les pratiques honteuses de l’État d’occupation marocain, représentées par la suppression des libertés, la violence, la torture et le viol, ainsi que les enlèvements et les arrestations arbitraires, les femmes sahraouies continuent de résister pacifiquement dans les territoires occupés, réclamant le droit du peuple sahraoui à la liberté et à l’indépendance. Nous le faisons en organisant des manifestations pacifiques, en éduquant les jeunes générations, en préservant l’identité nationale et en rejetant l’occupation.

Resumen Latinoamericano, 2021

Partout dans le monde, les mouvements populaires et de femmes manifestent leur solidarité avec la résistance Sahraouie, en particulier le 18 février, Journée de la femme sahraouie. Quelles actions recommandes-tu aux mouvements internationaux de faire en solidarité avec cette lutte ?

Le peuple Sahraoui a gagné la sympathie des peuples conscients et des forces progressistes et démocratiques du monde entier grâce à la juste cause et à notre lutte légitime pour le droit à la liberté et à l’indépendance.

Le 18 février, Journée de la femme sahraouie, reste l’occasion pour les mouvements de femmes et les mouvements populaires du monde entier d’exprimer leur solidarité avec la lutte des femmes Sahraouies pour la liberté et l’indépendance. Personnellement, je souhaite que toutes les femmes du monde dénoncent l’échec de l’ONU et de ses mécanismes et de la Croix-Rouge internationale, pour ne pas avoir rempli leur rôle de protection des civils sahraouis – en particulier des femmes et des enfants dans les zones occupées du Sahara occidental – face aux crimes commis par l’État d’occupation marocain, qui constituent des crimes contre l’humanité.

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