L’assureur, nouvelle victime de l’extinction de masse des espèces ?
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L’assureur, nouvelle victime de l’extinction de masse des espèces ?

C’est un vrai paradoxe auquel est aujourd’hui confrontée l’assurance : s’il est clair que notre société n’en n’a jamais eu autant besoin, il l’est tout autant qu’il a rarement suscité une telle défiance. Tel est souvent le sort de tous les secteurs bouleversés par la révolution digitale : de nouveaux écosystèmes apparaissent redistribuant la valeur entre les différents acteurs de la chaîne et poussant vers la sortie les intermédiaires dont l’utilité semble révolue. Dans mon métier, c’est l’assureur lui-même, ce tiers de confiance apparu au cœur du dispositif il y a bientôt sept siècles, qui se retrouve pris en tenaille entre deux concurrences particulièrement rudes.

La première est commune à l’ensemble de notre société, c’est l’intelligence artificielle, la robotisation et la digitalisation. En prenant en charge le travail d’analyse qui fait une partie de la valeur ajoutée de l’assureur, elle amoindrit dangereusement son utilité. En outre, la digitalisation réinvente deux métiers, celui des distributeurs (courtiers et agents), en première ligne face aux clients et qui profitent de ce mouvement pour se recentrer sur l’expérience utilisateur, et celui des réassureurs, ces assureurs d’assureurs qui gèrent le socle financier du dispositif – indispensable pilier face à la multiplication des risques et du besoin de financement – l’assureur est désormais pris en tenaille. Les premiers n’hésitent d’ailleurs plus à s’allier avec les seconds, créant des tensions inédites dans l’industrie.

La seconde de ces concurrences, c’est celle des nouveaux « bancassureurs » qui grignotent inlassablement leurs parts de marché depuis vingt ans. C’est un à un double défi qu’ils nous soumettent, puisqu’ils bénéficient d’une relation client plus « chaude » que les assureurs traditionnels qui l’ont laissée dépérir, et qu’ils peuvent en même temps, à la façon de Tesla ou d’Ornikar, tirer un grand profit du modèle de l’assurance embarquée. De plus les banquiers sortent tout juste de dix ans d’une transformation radicale de leur industrie. Inéluctablement, les assureurs peuvent perdent ce qu’il leur reste de relation client et l’abandonner aux industriels et aux nouveaux géants du Web.

La disparition de l’assureur est-elle pour autant inévitable ? Pas forcément, et je fais partie de ceux qui y croient encore ! Mais, et c’est la thèse que je développe dans mon ouvrage Ne tirez pas sur l’assurance ! L’industrie de la confiance doit retrouver son sens, je suis également convaincu que la survie de cette espèce singulière dépendra de la capacité des acteurs de l’industrie à dépasser les inerties qui les empêchent aujourd’hui de se transformer en profondeur. Inertie technologique, avec des efforts d’investissement bien en-deçà des défis posés par la transformation numérique. Inertie sociale, avec des milliers de personnes encore employées à remplir, imprimer et archiver des papiers, alors que ces tâches n’ont plus de valeur ajoutée et sont vouées à disparaître le jour où les compagnies auront digitalisé leurs systèmes. Inertie culturelle enfin, sans doute la plus grave : pourquoi l’assurance ferait-elle l’effort de se réformer alors que la majorité des assurés reste fidèle – par habitude plus qu’autre chose ? –, et que l’industrie demeure profitable ?

Quoi qu’il en soit, les tendances de fond sont là et l’écosystème traditionnel ne pourra les ignorer éternellement. Depuis plus de trente ans, la révolution digitale rebat les cartes de l’économie, industrie après industrie : il n’y a aucune raison que l’assurance y échappe. Le besoin est là ! Le besoin de sens, le besoin de reconnexion, le besoin de chaque individu qu’on réponde à ses besoins, précisément.

Cette révolution inévitable de l’assurance pourrait être encore plus rapide que celle de la banque qui, en une décennie, s’est totalement réinventée. Il est probable que l’assurance, portée par ce mouvement, se sera métamorphosée d’ici cinq à dix ans. J’en veux pour preuve le nombre de start-up de l’assurtech qui sont déjà engagées dans la révolution. En nouant des partenariats stratégiques avec elles, pour renforcer la relation client avec des plateformes digitales conçues en l’état ou encore créer des écosystèmes de services, à l’image de l’open banking, les compagnies d’assurance traditionnelles gagneront en agilité tout en s’adaptant plus rapidement aux nouveaux enjeux du marché de la distribution assurantielle.

Dans l’assurance comme ailleurs, la coopération est le moteur de la résilience !

Eric Mignot - +Simple.fr

Charles Koëhl

Associé - Koëhl Assurances - Agent et courtier en assurances

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Monsieur , C’est une belle tribune mais qui limite l’assurance à la distribution de produits simples nécessitant peu de conseil. C’est certes une partie importante du marché , mais il en demeure une tout autre, où le conseil client via l’intermédiaire, est primordiale et , à mon avis , pour longtemps.

Philippe TREMOUREUX

Partner Business Development - Optimind Part of Accenture

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D'accord avec toi, Eric. Mais la prise de conscience est réelle : les taux d'attrition augmentent inexorablement, les coûts d'acquisition sont plus difficiles à amortir et les modèles économiques deviennent de plus en plus compliqués. La transformation est en marche et les 10 prochaines années seront passionnantes !

Tang Loaec

Executive Director @ Nuapay SAS | Build businesses for banks, insurances, paytechs, and fintechs. Public Speaker. Mentor. Author.

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Une analyse et une vision que je partage bien volontier Eric M. FYI : Béatrice Imhaus

Aubry Hanrion

Transformation digitale & métier | Secteur Public |🌱🌳

2y

C’est très intéressant et révélateur d’une transformation structurelle de notre économie Merci pour le témoignage Éric

SLIMANE ADDI

Ingénieur conseil prévention PACIFICA

2y

Un point de vue intéressant en effet. Merci

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