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L'IA nous oblige à repenser nos indices économiques

LE CERCLE DE L'IA/POINT DE VUE - Les progrès technologiques nous amènent des services gratuits, mais sont-ils pris en compte dans le calcul de nos indices ? Non, c'est pourquoi il faut définir de nouveaux outils pour mesurer l'économie.

Par Thomas Jestin (cofondateur des agences de communication digitale KRDS et OhMyBot)

Publié le 4 juin 2018 à 09:38

Mis au point par le célèbre économiste John Maynard Keynes dans les années 1940, le PIB (Produit Intérieur Brut) est censé mesurer l'activité économique d'un pays. Divisé par son nombre d'habitants, il permet de renseigner le niveau de vie moyen d'une population.

Mais cet indicateur est bancal, les problèmes du PIB sont nombreux et connus : plus nous consommons de ressources naturelles non renouvelables, plus nous construisons de prisons, plus nous consommons de drogues et de sexe tarifé, plus nous dépensons en soins (parfois d'ailleurs, comme aux USA, moins efficaces qu'ailleurs), plus le PIB du pays concerné augmente !

A noter : le PIB selon le FMI

PIB = rémunération du total des salariés + excédents d'exploitation brut (EBE) + impôts - subventions.

À l'inverse, certaines activités ne sont pas prises en compte : le temps passé par une mère au foyer à élever ses enfants et à leur faire faire leurs devoirs par exemple. Sans compter que le PIB moyen par habitant ne dit d'ailleurs rien de la répartition des revenus, et n'est qu'imparfaitement corrélé au pouvoir d'achat.

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Sans connaître le nombre d'heures travaillées, il ne permet pas d'apprécier directement les variations de productivité d'un pays à l'autre. Il ne rend pas compte non plus de la pénibilité du travail à accomplir pour un niveau de PIB donné.

Les progrès technologiques noircissent ce tableau

L'exemple type est celui du marché de la musique enregistrée dont les revenus ont chuté depuis le pic de la fin du XXe siècle et l'essor d'internet : la musique vend moins qu'avant et contribue donc moins au PIB, alors que nous n'avons jamais eu accès à autant de musique, aussi facilement, partout, tout le temps ! Quel paradoxe !

Pire encore pour les biens qui basculent dans la gratuité, comme un appel à un proche à l'autre bout du monde, prohibitif hier, gratuit aujourd'hui et donc absent du calcul du niveau de vie tel que mesuré par le PIB/habitant.

Autre exemple : celui de nos téléphones portables et ordinateurs qui ne coûtent certes pas bien moins chers qu'avant pour les meilleurs, mais qui sont démesurément plus puissants et nous donnent accès à de biens meilleurs services, souvent gratuits.

Idem pour les voitures, dont le prix de vente moyen stagne aux Etats-Unis depuis 50 ans, après prise en compte de l'inflation, alors que par ailleurs leur qualité a considérablement augmenté : elles polluent moins, sont plus économes en carburant, plus confortables et surtout bien plus sûres !

Le problème principal que nous soulevons ici pour le PIB est bien celui de la piètre prise en compte des gains en qualité au fil du temps. Certes, depuis vingt ans des efforts sont faits pour mieux appréhender ces changements, avec par l'exemple la notion de prix hédonique, mais nous sommes encore loin du compte.

Quid des notions de PIB et de pouvoir d'achat alors qu'un monde d'abondance semble se préparer ?

Un monde d'abondance

Le progrès technologique effréné et accéléré par l'IA laisse entrevoir un monde d'abondance. Un monde où juste avec un soupçon d'aide humaine, des robots intelligents et habiles sauront utiliser et recycler la matière et l'énergie quasi infinies que nous offre le système solaire, pour pouvoir fabriquer et réparer d'autres robots qui eux-mêmes pourront produire et distribuer tous les biens et services dont nous pourrions avoir envie. Et cela, plus vite que nous ne pourrions les consommer ou même les gaspiller !

C'est un scénario de science-fiction que toutefois crédibilisent dès notre siècle les récents progrès en robotique, nanotechnologies, biotechnologies, impression 3D, IA, fermes verticales et cultures aéroponiques, technologies spatiales et de l'énergie, entre autres.

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Que signifie le pouvoir d'achat quand la main-d'oeuvre robotique est gratuite ?

Un tel avenir semble d'autant plus possible que la population humaine devrait très probablement finir par stagner d'ici 2050 d'après les démographes, tandis que ce n'est ni la matière ni l'énergie qui manque par ailleurs pour déployer toujours plus de robots à mettre à notre service.

Que signifie le « pouvoir d'achat » dans un tel paradigme, quand matières premières, main-d'oeuvre robotique et énergie sont disponibles à ne plus savoir qu'en faire, et sont donc quelque part gratuites ?

Penser un nouvel indice

Certes, ce n'est pas pour demain, mais les exemples cités plus tôt nous invitent dès maintenant à envisager une nouvelle notion qui reflétera au mieux les gains incroyables en confort et en choix à attendre du progrès technologique et son meilleur élève, l'IA.

Une nouvelle jauge de l'évolution du niveau de vie, en remplacement même du PIB/habitant et du pouvoir d'achat : le pouvoir d'accès par exemple ? Car notre confort de vie augmente grâce au progrès parfois même sans que nous ayons à payer plus, ou payer tout court !

Ce pouvoir d'accès entendrait mesurer l'évolution de la qualité et de la diversité des biens et services disponibles pour un niveau de revenu donné, en incluant les biens et services gratuits. Pourquoi ne pas le lier au temps passé, qui pourrait bien devenir la ressource la plus rare à terme ?

Le concept reste clairement à creuser et préciser, mais voilà peut-être une piste à explorer, qui pourrait aider le public et les nations à mieux apprécier ce que l'IA et la technologie nous apportent, au-delà ce qu'elle bouleverse.

Thomas Jestin est un entrepreneur français basé à Singapour, il est le cofondateur des agences de communication digitale KRDS et OhMyBot, ainsi que du projet citoyen pour l'éducation kupita.org, et membre du conseil d'administration de la fondation Live With AI

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